Page 52 - Mémoires et Traditions
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LE PROjET DE SyNAgOgUE «SÉPHARADITE»
Il pourrait paraître presque paradoxal de voir les Juifs portugais, indéniablement les plus tôt francisés, les plus intégrés à la société française – certains, comme Osiris, devenant même de véritables nationalistes français – s’opposer à la tentative de fusion prônée par le grand rabbinat entre les rites séfarade et alsacien-lorrain en vue de fonder un minhag tsarfat ou rite français qui aurait trouvé son apogée dans l’agencement de la synagogue de la rue de la Victoire. Leur intégration, voire pour certains leur assimilation, puisqu’une bonne part de la communauté portugaise se fondra dans la majorité chrétienne, ne les empêche pas d’avoir la fierté de leur identité originelle, de la défendre sur le plan religieux et sur le plan culturel. Cette position est parfaitement reflétée par les épisodes du projet du temple Buffault lancé tardivement, alors qu’une commission consistoriale était en train d’élaborer un rite français, estimant par exemple qu’il convenait de conserver la prononciation portugaise plus harmonieuse que celle des Ashkénazes.
Les membres de la « Société Civile du Temple israélite suivant le rite espagnol portugais (dit séphardi) » font montre d’un grand respect de la tradition. Ainsi était-il prescrit que des objets ayant servi dans une synagogue devaient être préservés dans cette fonction : déjà, lors de la fermeture
de l’oratoire rue Neuve- Saint-Laurent, il semble bien que le mobilier ait été offert à la synagogue de Versailles en cours d’installation7. De même, lors du transfert rue Buffault, les Portugais, en conformité avec le Choul’han Arou’h qui défend le déclassement fonctionnel d’une synagogue, préférèrent démolir la synagogue de la rue Lamartine plutôt que de la vendre, et une partie du mobilier8 fut utilisée dans la synagogue d’Arcachon (1877) qu’Osiris, à titre privé, fit édifier en même temps par son architecte, Stanislas Ferrand.
Osiris le mentionne, parmi ses conditions, dans une lettre qu’il adresse aux membres du Conseil de la Société Civile, le 31 juillet 1876 : « vous savez, Messieurs, qu’il est d’un usage consacré en Israël que ce qui a été placé dans un lieu sacré ne doit jamais passer entre les mains des profanes, c’est vous dire que j’exprime le désir que tout ce que l’Entrepreneur croira devoir prendre dans le temple de la rue Lamartine sans que le service y soit interrompu, devra être mis à sa disposition pour la nouvelle synagogue, et si vous le voulez bien, pour servir d’ornementation dans l’Oratoire que je fais
édifier en ce moment à Arcachon9. »
7 - La synagogue est inaugurée en août 1853. Le mobilier se trouve aujourd’hui dans l’oratoire attenant à la nouvelle synagogue à côté de la plaque commémorative de 1853 qui comporte juste- ment une partie du comité de la synagogue de la rue Lamartine. voir Dominique Jarrassé, La Synagogue de versailles, versailles, ACIv, 2006, p. 52-53.
8 - Précisions dans Dominique Jarrassé,
La Synagogue d’Arcachon, Arcachon, ACIBA, 2002, p. 26-29.
9 - Archives du Consistoire israélite de Paris (ACIP), D.4, dévolutions.
La rue Lamartine, à côté de celle de la rue Buffault.
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