Page 87 - Mémoires et Traditions
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En raison de cette date, située un mois après l’inauguration de la synagogue de la rue Lamartine, on peut légitimement penser que ces ornements ont été offerts à cette occasion. Nous sommes donc très peu documentés sur la constitution du musée au sein du temple Buffault et sur sa présentation dans la salle des mariages. Il consistait, de toutes façons, essentiellement, selon la vision habituelle à cette époque, en une collection de judaïca, objets de culte et rituels. D’après Jacques Biélinky18, un critique d’art, qui a fourni en 1936 un article très détaillé qui atteste qu’il a eu accès aux archives de la Communauté et aux échanges entre elle et les Camondo, l’idée en serait née dès son ouverture : « Il y a une étude spéciale à faire sur cette collection, dont la constitution a commencé à partir de 1877, l’année de l’ouverture de la synagogue19. » S’il nous est impossible ici d’approfondir l’histoire de ce musée jamais étudié, rappelons- en la constitution et l’esprit qui y présida, car c’est là un témoignage essentiel sur la conscience de cette communauté de devoir sauvegarder sa mémoire dans un contexte où elle devenait très minoritaire.
S’il insiste, avec raison, sur les dons des Camondo, Biélinky signale que de nombreux objets – sans être plus précis – ont été offerts par Numa Alphandéry, Moïse Millaud, Charles Levy, Edouard Lattès, Fourrès, Bacri, Madame Aboucaya20, mais aussi par la Baronne Salomon de Rothschild. À côté des objets rituels existait une petite bibliothèque qui formait le complément du musée. Là avaient été déposés les livres de prière de la famille Camondo : un rituel de poche (Presbourg, 1866), une « Téphila, à l’usage des Juifs Sépharadim éditée à Vienne, d’une reliure somptueuse à tranches d’or », un livre avec les prières de Kippour traduites par Mardochée Venture (Bordeaux, 1841), et plusieurs mahzorim dont un avec dédicace au nom de Nissim de Camondo (1836)... On y trouvait encore un Rituel de prières selon le rite comtadin publié par Michaël Millaud (Aix, 1855), témoignage intéressant sur le fait qu’à Paris les Juifs comtadins, encore plus minoritaires que les Séfarades, se rapprochaient des Juifs du Sud- Ouest ; dès le XVIIIe siècle, des Comtadins comme Astruc ou Millaud, étaient installés à Bordeaux où ils avaient néanmoins un cimetière à part, une forme de ségrégation étant instaurée. Un objet offre une valeur commémorative particulière : il s’agit d’un tass en argent, fabriqué en Autriche en 1857 et offert par Nestor Dreyfus au temple de la rue Buffault en mémoire de Moses Montefiore (1784-1885), le philanthrope d’origine livournaise, dont le centenaire fut fêté, en 1885, dans de nombreuses synagogues séfarades, en raison de sa notoriété et de son rôle dans la défense des intérêts des Juifs orientaux et de Jérusalem.
Détail du verre de Kiddoush.
Le «musée» du temple Buffault
Verre de Kiddoush offert par la famille Castro.
Tass offert par la famille Nestor Dreyfus.
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