Page 84 - Mémoires et Traditions

LE TESTAmENT D’OSIRIS et BuFFAuLt
Les institutions juives ont été très dépitées à l’ouverture du testament d’Osiris, au lendemain de sa mort le 4 février 1907. En effet, comme d’autres organismes ou villes qu’il avait entretenus de ses projets, elles avaient l’assurance d’y figurer. Mais deux facteurs ont empêché Osiris de mener à bien ses legs, pour lesquels, il est vrai, il tarda à conclure : d’une part, la maladie qui l’amena à refaire un testament en décembre 1906 dans des circonstances difficiles et à prévoir une série de codicilles qu’il n’eut pas le temps de faire rédiger, d’autre part, concernant les legs en faveur de la communauté juive, la promulgation de la Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat. Il avait envisagé le Consistoire Central, et en particulier le grand rabbin Joseph Lehmann15, comme exécuteur de ses vues, or en 1905 cette loi est venue mettre fin à l’existence même des consistoires, remplacés bientôt par des associations cultuelles, mais pas assez vite pour qu’Osiris puisse s’appuyer sur ces nouvelles structures qui, de toutes façons, moins centralisées, n’auraient pu répondre à ses vœux de construction de synagogues dans les petites communautés de toute la France.
De ce fait, il est éclairant de se pencher sur la version antérieure du testament, d’août 1898, qui livre ses ambitions pour « sa » synagogue. Car, à la suite des procès engagés pour les plaques, Osiris avait refusé d’aider la Société Civile dans ses travaux complémentaires ou d’entretien. Par voix de presse même, il avait rectifié l’information qui circulait en mai 1890, qu’il aurait fait faire des travaux à Buffault... Dans son testament, en revanche, il revient sur son retrait et reprend les critiques, surtout au sujet de l’éclairage, qu’il avait alors formulées. Il envisageait donc de doter largement le temple Buffault : « Je donne et lègue au Consistoire Central des Israélites de France, établi à Paris, la somme de cinq cent mille francs à la charge par lui de conserver ce capital en rentes 3% sur l’Etat Français ; il ne pourra pas être aliéné et les revenus en seront intégralement versés tous les trois mois au temple que j’ai élevé rue de Buffault (sic) à Paris. L’administration de ce temple emploiera cette rente exclusivement aux besoins du culte, réparation dudit temple, aumônes aux pauvres ainsi qu’à l’acquisition d’un terrain pour l’installation d’un réfectoire au profit de tous les malheureux sans distinction de culte. Au cas où la Société Civile du Temple de la rue Buffault serait reconnue d’utilité publique, le Consistoire Central des Israélites de France remettrait à la dite Société le titre de rentes qui continuerait à être inaliénable, voulant par son revenu assurer la dignité et les besoins du culte. »
Dans cet alinéa, Osiris envisageait donc, comme il le fera avec son fameux bâteau-soupe à Bordeaux, de secourir les indigents, tout en y associant une institution juive... De tels projets existaient aussi pour Nancy où le Consistoire aurait dû mettre sur pied un dispensaire dont il souhaitait remettre la direction au Professeur Bernheim, à Bordeaux pour une maison de retraite israélite...
Sur cette somme, rien n’en devait être distrait pour de quelconques embellissements ; c’est un autre alinéa qui les évoque : « Je donne et lègue au Consistoire Central des Israélites de France la somme de cent mille francs destinée exclusivement à la Société Civile du temple de la rue Buffault, aux fins ci-après qui sont la condition formelle de ce legs : 1° La stalle que j’occupe dans le Temple et dont j’ai droit de disposer aux termes de mon traité restera inoccupée, sauf en faveur de Messieurs les Rabbins, qui désireraient y faire leurs prières, soit pendant les cérémonies ordinaires, soit aux jours de Grande Fête. Cette stalle sera ornée d’une plaque remplaçant celle qui existe et portera cette inscription gravée « Osiris Fondateur de ce Temple élevé en 1877», cette stalle sera fermée par une chaîne assez forte pour en défendre l’accès au premier venu. 2° Je désire que les membres du Conseil d’administration du temple ainsi que la Société Civile de la rue Buffault fassent exécuter deux candélabres un peu semblables à ceux qui sont placés sur les marches du Tabernacle. Ces deux candélabres remplaceront ceux qui servent habituellement le jour de Kippour devant le Tabernacle. Ils devront porter en lettres gravées, l’un, celui du côté gauche » « À la mémoire de mon père Désir Isaac Iffla », l’autre, celui du côté droit « À la mémoire de ma mère Léa Cardozo d’Urbino ». [...]»
15 -Joseph Lehmann (1843-1917), quoiqu’alsacien, avait été nommé rabbin de la synagogue séfarade en 1877 après avoir prêché souvent rue Lamartine. Il devint en 1890 directeur du Séminaire israélite. Osiris qui appréciait son libéralisme, en fit son confident. Son témoignage est essentiel pour les projets de synagogues et de restauration du Temple de Jérusalem qu’Osiris lui avait confiés. En revanche, le rabbin ne réussit pas à obtenir d’Osiris des financements pour son Séminaire...
80