Page 48 - Mémoires et Traditions
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LE TEMPLE BUFFAULTHISTOIRE DE LA PUN UN PATRIMOINE SÉFARADE
FIERTÉ D’UNE IDENTITÉ
1 - Gérard Nahon, « Ishak
De Acosta et David Silveyra. Mémoire rabbinique, mémoire politique de l’Espagne. Bayonne, 1722-1790 », Mémoires juives d’Espagne et du Portugal, Paris, Publisud, 1996,
p. 145-169.
2 - Henry Léon, Histoire
des Juifs de Bayonne, Paris, Durlacher, 1893, p. 427.
Les Juifs du Sud-Ouest ont exprimé leur attachement identitaire, non seulement à travers la préservation de leur rite, mais aussi en recourant au modèle de leur synagogue d’origine, non pas tant espagnole, le souvenir en étant bien lointain, mais bordelaise.
Bâtie dès 1812 par un remarquable architecte néoclassique, Arnaud Corcelles, qui avait montré une grande capacité d’invention en concevant le premier « temple israélite » français, avec façade sur rue, la synagogue de Bordeaux, alors installée rue Causserouge, devint une référence. Ainsi quand, dès 1822, les Juifs de Bayonne entreprennent de construire une synagogue monumentale dans le quartier de Saint-Esprit, les responsables demandent des plans à Corcelles2. Si le projet n’aboutit pas, la synagogue réalisée en 1837 n’est pas sans rappeler celle de Bordeaux dans son organisation interne, car sa façade est moins riche symboliquement.
À Paris, les Juifs séfarades avaient ouvert dès la fin du XVIIIe siècle un oratoire rue Saint- André-des-Arts, rive gauche, alors que la plupart des oratoires ashkénazes se situaient dans le Marais ; puis en 1830, ils s’étaient installés dans l’annexe de la synagogue consistoriale, édifiée en 1822 rue Notre-Dame-de-Nazareth. L’oratoire séfarade, coincé dans la partie arrière, donnait sur la rue Neuve-Saint-Laurent (Vertbois).
Pour comprendre l’originalité de l’identité judéo-portugaise et les efforts faits par cette composante du judaïsme français pour la préserver à travers son rite, certaines formes architecturales ou la constitution de collections, il convient de rappeler quelques mythes fondateurs qui établissent une généalogie remontant à Juda et une distinction affirmée avec les autres branches du judaïsme.
Souvent par souci de différenciation avec les Ashkénazes, ou encore au moment de l’émancipation, ressurgit l’argument d’une origine aristocratique. À leur arrivée au XVIe siècle, ces « Nouveaux Chrétiens », reconnus comme Nation portugaise, demeurent en relation avec les Séfarades de la façade Atlantique de Bayonne à Hambourg, en passant par Amsterdam. En 1762, les Juifs de Bordeaux ayant demandé à l’économiste Isaac de Pinto de les défendre auprès du maréchal de Richelieu, celui-ci réaffirme : « Je ne saurais me dispenser de vous représenter, Monseigneur, que les Portugais et Espagnols qui ont l’honneur d’être issus de la tribu de Juda ou de se croire tels, ne se sont jamais mêlés par mariage, alliance ou autrement avec les enfants de Jacob connus sous le nom de Tudesques, Italiens ou Avignonnais. Les premiers ont conservé, par cette saine politique, des mœurs et des maximes qui les ont toujours distingués, aux yeux mêmes des nations chrétiennes, de la foule des Israélites avec lesquels par conséquent il est de leur honneur et de leur intérêt de ne point s’incorporer, comme on semble le leur proposer aujourd’hui. »
Au moment des débats sur l’émancipation des Juifs, les Portugais se désolidariseront des autres Juifs du royaume de France... Leur agent auprès de l’Assemblée constituante, David Silveyra, expose le 1er janvier 1790, que « les Juifs connus sous la dénomination de Juifs Portugais, furent naturalisés François dès le commencement du seizième siècle. Leur origine absolument distincte, remonte à la captivité même de Babylone ; tous descendent d’anciennes familles de la tribu de Juda1... » La conséquence en est la reconnaissance des droits civiques des seuls « Juifs portugais,
espagnols et avignonnais [qui] continueront de jouir des droits dont ils ont joui jusqu’à présent » en janvier 1790. Les autres attendront leur émancipation le 27 septembre 1791, vécue par les Portugais comme une régression... L’attachement au rite séfarade, à la coutume, explique les résistances qui parcourent le XIXe siècle et culminent avec la création du temple de la rue Buffault dont elle va devenir le conservatoire français.
UNE ARcHITEcTURE
DE TRADITION PORTUgAISE
DE LA ruE NEuvE-SAINT-LAurENT à LA ruE LAMArTINE
Dominique Jarrassé
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