Page 45 - Mémoires et Traditions

Vers la Renaissance
Jacky Amar,
grand rabbin du temple Buffault de 1975 à 1999.
Cette louable décision, semblable à celle que fit Numa Alphandéry au Consistoire de Paris, est dès lors respectée, malgré l’introduction d’Algériens à la commission après la venue de fidèles de la rue Saint-Lazare en 1973. Il est aussi admis que le temple Buffault va créer une chorale avec la jeunesse93 . Dans le même temps, Roland Mossé est chargé d’établir un inventaire des objets rituels et de réunir les pièces uniques dans la salle du conseil. Les derniers témoins du judaïsme hispano-portugais savent bien que leur propre communauté, celle qui fut l’héritière des grandes traditions bordelaise et bayonnaise, est en train de disparaître. Aussi, c’est avec bonheur qu’ils célèbrent
le centenaire du temple le 11 décembre 1977 en présence des grands rabbins et des notables consistoriaux, de l’ambassadeur d’Israël, des autorités politiques et religieuses de la capitale94. Néanmoins, si le grand rabbin de France Jacob Kaplan rend hommage à la fidélité des Portugais pour le respect de leur culte et si le grand rabbin de Paris Meïr Jaïs vante les mérites de la communauté, il est certain qu’une ère nouvelle souffle sur le temple Buffault. Pourtant, le président Philippe Ginsburger, dont le père a été grand rabbin de Bayonne avant de mourir en déportation, est l’un des rares représentants de cette communauté disparue et entend bien concilier le rite d’autrefois avec le public. Avec le concours du rabbin Jacky Amar, il s’efforce de relever le défi à partir de 1981 en fixant la règle des « 200 », soit par an : 200 mariages, 200 bar- mitsva et 200 éclaireurs israélites95. Certes, les objectifs ne sont pas tous atteints mais le temple Buffault devient un lieu de rassemblement et un modèle de dynamisme pour le judaïsme parisien. Le réveil communautaire de la fin du XXe siècle en est sûrement l’une des causes. Toutefois, sans l’enthousiasme du rabbin Jacky Amar, le temple Buffault déclinerait sans doute puisque de nouveaux oratoires et synagogues apparaissent dans la capitale tandis que le judaïsme consistorial est battu en brèche par les mouvements libéraux et orthodoxes. Mais en l’espace de vingt ans, les offices du chabbath matin réunissent désormais plus de 250 personnes (au lieu de 150 en 1971) et
le talmud Torah est fréquenté par environ 190 élèves. Afin de motiver la jeunesse à perpétuer le judaïsme, des colonies communautaires emmènent régulièrement les enfants pendant les vacances scolaires96. Tous ces efforts ne sont donc pas vains.
Cependant, à l’aube du XXIe siècle, la commission administrative nourrit toujours l’ambition d’avoir une communauté encore plus rayonnante et ouverte à un public encore plus nombreux afin de garantir la pérennité du judaïsme hispano-portugais. Consciente des bouleversements que traverse l’institution consistoriale et soucieuse de préserver son rite, elle lutte pour que ses droits et ses traditions soient respectés. À l’instar de leurs coreligionnaires portugais aujourd’hui disparus, les Juifs méditerranéens qui veillent jalousement sur l’héritage spirituel du temple Buffault, savent que le passé détermine le présent et l’avenir car il est l’identité même de la communauté. Les noms gravés sur les plaques, les objets rituels pieusement conservés, la splendeur du lieu, le cérémonial des offices et l’originalité de la liturgie témoignent de ce passé qui se transmet de génération en génération, par-delà les origines, comme s’il était universel alors qu’il se voulait unique. Aussi, transformer la tradition hispano-portugaise au profit d’un autre rite reviendrait à ôter l’âme du temple Buffault.
Le président Philippe Ginsburger (1981 - 2000).
93 - Archives du Temple Buffault, procès-verbal du 4 juillet 1973.
94 -Journal des Communautés, n° 594, janvier 1978.
95 -Entretien avec Philippe Ginsburger du 25 août 2009.
96 -Entretien avec le grand rabbin Jacky Amar du 14 septembre 2009.
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