Guide de la prière en solitaire - par le Rabbin Didier Weill
Introduction
La prière (tefila) la plus acceptée par D. est celle qui est récitée à la synagogue et avec la Communauté, à l’intérieur d’un minyan (quorum de 10 hommes adultes) qui garantit l’écoute de la prière. Nos Maîtres déduisent cette information d’un verset du 1er Livre des Rois (chapitre 8 verset 28) : « lichmoa el harina ve el hatefila, écouter le chant et la prière » ; à savoir que la prière publique est toujours agréée.
Cependant, toute prière est la bienvenue, aussi, si pour quelque raison que ce soit (absence de synagogue, de communauté, impossibilité de constituer un minyan, hospitalisation, état de santé fragile, âge avancé) on est contraint de prier seul, chez soi, il convient de savoir comment procéder et c’est l’objectif de cet article, basé sur un ouvrage qui fait autorité en la matière, le livre « Yché Israël » de Rav Avraham Yichaya Papoyfer.
Dans quelle langue prier ?
A priori, l’on priera dans la langue sainte, car l’hébreu comporte des termes absolument intraduisibles dans d’autres langues et véhicule des concepts dont la traduction nécessite souvent des périphrases ou le recours à une seule traduction qui ne rend pas toujours compte des différents sens d’un mot hébraïque.
D’autre part, l’avantage de l’utilisation de l’hébreu pour la prière est le fait d’avoir la certitude de s’être acquitté de son obligation, quand bien même ne comprendrait- on pas l’hébreu. Toutefois, à postériori, on peut parfaitement envisager de prier dans n’importe quelle langue, sauf en araméen ; c’est pourquoi, lorsque l’on prie seul, on aura soin de sauter les passages tels que : berikh chemé ou yekoum pourkane.
A la synagogue ou à la maison ?
Lorsqu’on n’a pas le loisir de prier dans une synagogue et qu’il est impossible de réunir un minyan à domicile, on veillera néanmoins de tâcher de prier à la même heure que les fidèles de la synagogue la plus proche, ceci afin de se brancher avec eux.
Si la recherche d’un minyan, à proximité de son domicile ou de son hôtel, nécessite de parcourir plus de 4 km, ou risque de nous conduire à traverser un quartier dangereux ou de nous faire dépasser l‘heure de l’office, l’on choisira alors de prier seul.
Si les impératifs professionnels nous imposent de sortir tôt le matin, avant l’heure de l’office synagogal, on priera seul chez soi, avant de se rendre à son travail.
En cas de perte financière :
Si la prière à la synagogue risque d’entraîner un préjudice financier parce qu’en arrivant en retard sur son lieu de travail, on va se voir diminuer une partie de son salaire, ou bien si l’on risque ainsi de manquer le car de ramassage de l’entreprise ou son moyen de transport habituel, l’on sera alors autorisé à prier seul chez soi.
En cas de force majeure :
Une personne âgée ou faible qui ne peut pas se permettre de prendre son petit déjeuner après l’heure de la prière à la synagogue, pourra prier seule.
Une personne qui ne peut pas affronter le froid extérieur ou les intempéries (pluie, neige, canicule) pourra, à priori, prier chez elle.
Si un invité se présente au moment du départ pour l’office et l’invité risque d’être vexé si on l’abandonne pour aller à la synagogue, l’on priera alors seul, car l’hospitalité est plus importante que la rencontre avec la Présence divine.
Le Minyan
Tous les textes de la liturgie constituant un hommage collectif rendu à D. et nécessitant une quorum de
10 hommes bar mitsvah, seront sautés en l’absence d’un minyan, car toute publicité exige un public, et seule une assemblée de 10 hommes crée un embryon de communauté. C’est ainsi que le Kadich et la triple
proclamation de la sainteté de D. ou Kedoucha (récitée lors de la répétition de la Amida) ne pourront, en aucun cas, être dits en l’absence d’un minyan.
La prière récitée, en son temps, est supérieure à la prière publique, aussi si l’on craint que l’heure de la prière du matin ou de l’après-midi ne soit dépassée, il sera préférable de sortir de la synagogue et de prier seul.
Il est méritoire et considéré comme une mitsvah de se lever tôt le vendredi matin pour préparer le Shabbat, après la prière publique. Cependant, si l’on sait pertinemment qu’en priant avec la Communauté on ne trouvera plus les produits souhaités, en l’honneur du Shabbat, il sera alors préférable de prier seul.
Si on a l’habitude de prier avec beaucoup de ferveur et lentement, et que l’on ne parviendra pas à rejoindre le reste de la communauté pour la Amida, on suivra son propre rythme, quitte à perdre l’office public.
L’on doit, avant de prier, non seulement vider son esprit mais également vider son corps : aussi veillera-t-on avec soin à s’examiner, avant l’office du matin. Cependant, même si l’on est capable de se retenir pendant plus de 72 mn, il est préférable de perdre l’office public, afin de prier avec un corps propre.
Si l’on arrive à la synagogue le matin en semaine ou Shabbat, au moment où la Communauté s’apprête à commencer la Amida, on ne priera pas la Amida avec la Communauté, mais on rattrapera l’office. Il est en effet plus important de juxtaposer les bénédictions du Chéma à la Amida, que de prier avec le tsibour.
Par contre, s’il s’agit de l’office du soir, on priera la Amida avec la Communauté et l’on rattrapera ensuite, le chéma avec ses bénédictions. De même pour l’office de minh’a on priera d’abord la Amida avec tout le monde
et on rattrapera ensuite le psaume de Achré.
Récapitulatif
Office du matin
En l'absence de minyan, le Barekhou, les 13 attributs de Dieu, figurant dans les Ta'hanounim, la Kedoucha, ainsi que le kadich, ne seront pas récités.
Office de l'après-midi
Les Ta'hanounim, la Kedoucha, ainsi que le kadich ne pourront être récités.
Office du soir
Pas de Barekhou, ni de Kadich.
Rappels sur les Tefilines
L’absence de Talit ne justifie pas de perdre le bénéfice de l’office communautaire. Cependant, si l’on n’a pas de Tefilines, l’on préfèrera attendre de pouvoir disposer de Tefilines, même si l’on doit pour cela prier en solitaire.
On ne met jamais les Tefilines, un jour de fête, c'est à dire, ni à Rosh Hashana, ni à Kippour, ni à Souccot, ni à Shemini Atseret, ni à Sim'hat Torah, ni à Pessa'h, ni à Shavouot.
On les met donc à Pourim et ‘Hanouka.
Le Chéma
Les trois paragraphes du Chéma comportent 245 mots.
A l’office public, on a l’habitude d’ajouter trois mots : « hachem élohéhem émet » - D. est l’expression de la vérité.
Ces trois mots proviennent d’un verset du Prophète Jérémie, et leur mention permet d’obtenir le chiffre 248 qui correspond aux 218 parties du corps humain. Ainsi, chaque membre du corps humain se nourrit d’un mot
du Chéma, c’est-à-dire de la spiritualité du message de la Thora.
Lorsque l’on prie seul, on ajoutera avant la récitation du Chéma les 3 mots « E-li mélékh nééman » - D. est un roi fidèle, ceci afin de retrouver un total de 248 mots.
Les Ta'hanounim et les Seli'hot
Les chloch essré midoth chel Rah’amim, les 13 attributs de la miséricorde divine font partie intégrante du
texte des Ta’hanounim récités en semaine le matin et l’après-midi, ainsi que les Selih’ot du mois de Eloul et Yamim Noraïm, et ne seront pas récités, en l’absence d’un office avec minyan.
Cependant, si on les cantile avec l’air et les accents musicaux qui sont ceux de la lecture de la Thora, on pourra les dire.
En revanche, tous les textes des Seli’hot, formulés en araméen, doivent être sautés, lorsque l’on prie seul.
Rosh 'Hodesh
Toutes les prières habituelles de la semaine peuvent être dites, lors de chaque Rosh 'Hodesh, quand
on prie seul, sauf le Kaddich, la Kedoucha, Barekhou et la sortie du Sefer Torah qui nécessitent
impérativement un Minyan. Les Tefilines seront bien sur, mises normalement, et retirées pour la Amida
de Moussaf, comme on le ferait à l'office public.
Le Hallel est récité en abrégé à Rosh 'Hodesh, la seule exception étant Rosh 'Hodesh Tevet où le Hallel est récité en entier, à cause de 'Hanouka.
Le Hallel de Rosh ‘Hodesh
La récitation du Hallel de Rosh ‘Hodesh n’étant qu’un usage (minhag) et ne relevant pas d’une obligation,
la première et la dernière bénédiction du Hallel ne seront pas récitées en l’absence de minyan, ou lorsqu’on
prie seul chez soi.
La lecture de la Thora
Lorsqu’on est dans l’impossibilité d’assister à la lecture publique de la Thora et donc de sortir le Séfer Thora,
on lira la Parasha dans un ‘Houmach (ceci vaut aussi bien pour les lundis et jeudis matin que pour
Rosh ‘Hodesh, Shabbat ou les jours de fête).
On procèdera de même pour la Haftara (passage tiré d’un livre des Prophètes) qui sera lue de préférence, dans une édition du Tanakh (de la Bible).
'Hol Hamoed
Le calendrier connaît, deux demi-fêtes, pendant l'année : à Pessa'h et à Souccot.
Durant 'Hol Hamoed, nous ne mettons pas les Tefilines (sauf les Ashkenazim qui les mettent, mais sans réciter de bénédiction) et nous pouvons dire tous les textes du rituel de prières, à l'exception du Kaddich, de la Kedoucha, et de Barekhou, et sans sortie du Sefer Torah.
On se contentera de lire la Parasha et la Haftara du jour, à partir d'un livre des fêtes (Ma'hzor).
Le Hallel est récité en entier pendant tout Souccot.
Par contre, à Pessa'h, le Hallel n'est récité en entier que les deux premiers jours, et abrégé les autres jours de Pessa'h.
Rosh Hashana
Même si, toute l'année, la ville dans laquelle on réside ne dispose pas d'un Minyan, l'on sera bien avisé
de passer les fêtes de Rosh Hashana, dans une Communauté dotée d'un Minyan, ceci afin d'avoir le
mérite d'écouter la lecture publique du Sefer Thora et d'entendre les 101 sonneries de chacun des 2 jours
de Rosh Hashana.
En cas de réelle impossibilité de passer les fêtes ailleurs (ex : Personne isolée, souffrante, hospitalisée, alitée, âgée, ou en prison), l'on essayera d'avoir recours à des structures sociales existantes ou à un aumônier des hôpitaux ou des prisons ou à des visiteurs de la Communauté, afin de pouvoir s'acquitter de la Mitsvah d'entendre le Chofar. Cependant, même si ces options sont inenvisageables, alors à l'impossible nul n'est tenu, et la Thora nous dégage alors de toute obligation.
En ce qui concerne la Lecture de la Thora des 2 jours de Rosh Hashana, la lecture de ces textes bibliques, dans une édition de la Bible sera la bienvenue et permettra de rester connecté au peuple juif et de vivre, au moins, à ce niveau-la, l'actualité de Rosh Hashana.
L'office de Moussaf
Celui qui prie seul, s'arrangera pour prier Moussaf, à l'heure où cette prière est récitée dans les autres
Communautés. À cet égard, un calendrier hébraïque ou un journal communautaire seront utiles, afin de
synchroniser sa prière avec celle de la Communauté la plus proche.
Rappel : il va de soi que l'absence d'un Minyan ne permet, ni de sortir le Sefer Torah, ni de dire le Kaddich, ni Barekhou.
Le Tachlikh
L'existence d'une mer, d'une rivière, d'un fleuve ou d'un cours d'eau, rendent possible la récitation des versets du prophète Mikha, constitutifs de la cérémonie de Tachlikh, par laquelle nous nous débarrassons de nos fautes,
en les jetant à l'eau. À défaut d'une telle source d'eau, les dits versets pourront être lus, à proximité d'un robinet dont on laissera l'eau s'écouler. Le Minyan n'est pas nécessaire pour le Tachlikh.
Kippour
Les dispositions précédentes valent également pour Yom Kippour, à savoir que toutes les prières peuvent être dites, quand on prie seul, à l'exclusion de la lecture dans le Sefer Torah, du Kaddich et de Barekhou.
On tachera de choisir, pour prier, un endroit approprié, sans mauvaise odeurs ou sans nuisances sonores.
Un malade alité ou immobilisé en chaise roulante pourra prier dans la position qui lui est la plus confortable,
c’est-à-dire même assis ou allongé, y compris, pour la Amida.
Dans tous les cas où l'on prie seul, l'idéal sera de prier à la même heure que les autres synagogues, afin de se brancher sur le train de l'office communautaire de sa synagogue de référence.
Souccot
La Mitsvah du Loulav est tout à fait faisable, même quand on est seul, et il en est de même pour la Mitsvah
de la Soucca.
En ce qui concerne les Hakafot de Souccot, l'on pourra s'acquitter de la Mitsvah, en plaçant, dans sa chambre ou dans la salle dans laquelle on prie, une chaise autour de laquelle on tournera, avec son Loulav.
Pessa'h
Le Seder de Pessa'h est envisageable même lorsque l'on est totalement isolé et la réglementation de la fête s'impose avec la même rigueur et exigence.
Shavou'ot
La célébration du don de la Thora au Sinaï est soumise aux mêmes règles que les autres fêtes et tous les textes peuvent être lus, hormis le Sefer Torah.
'Hanoucca
À 'Hanoucca, la mention de Al Hanissim, dans la Amida, la récitation du Hallel, en entier, la lecture du passage biblique des sacrifices apportés par les dirigeants des tribus d'Israël, à l'occasion de l'inauguration du Michkane dans le désert, et, bien sur, le soir, l'allumage des lumières de 'Hanoucca à la maison.
L'allumage de la 'hanoukia peut se faire, même en solitaire, à condition de disposer d'un domicile ou d'une domiciliation même provisoire (ex : Chambre d'hôtel, d'hôpital, appartement de location ou résidence
secondaire, bateau...).
Pourim
Toutes les mitsvot de Pourim : Lecture de la Meguila, envoi de cadeaux aux proches et/ou amis, dons aux pauvres, festin de Pourim, sont réalisables sans Minyan.
À Pourim : La mention de Al hanissim, dans la Amida, la récitation du Hallel abrégé, la lecture biblique traitant de la disparition du mal, incarné par Amalek, la lecture de la Meguilat Esther, sans bénédiction et toutes les Mitsvot du jour (envoi de deux cadeaux comestibles à au moins un ami, la Tsedaka à au moins deux pauvres, et le festin de Pourim).
Introduction
Dans quelle langue prier ?
A la synagogue ou à la maison ?
Le Minyan
Rappels sur les Tefilines
Le Chéma
Les Ta’hanounim et les Seli’hot
Rosh 'Hodesh
La lecture de la Thora
'Hol Hamoed
Rosh Hashana
Kippour
Souccot
Pessa'h
Shavou'ot
'Hanoucca
Pourim
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